google.com, pub-4889604885818732, DIRECT, f08c47fec0942fa0
Entretien avec l’Abbé Xavier Arnauld Fagba, curé de la paroisse Saint Jacques de Kpéténé, secrétaire de la commission épiscopale de la liturgie à la CECA et cérémoniaire diocésain de l’Archidiocèse de Bangui. Chaque 1er novembre, les chrétiens du monde entier célèbrent la Toussaint. En Centrafrique comme ailleurs, la confusion demeure souvent entre cette fête et la commémoration des fidèles défunts du 2 novembre. Dans cet entretien exclusif, l’Abbé Xavier Arnauld éclaire la signification spirituelle de ces deux célébrations, met en garde contre certaines dérives culturelles et appelle à un retour au respect du sacré.
« La Toussaint célèbre la victoire de tous les saints, connus ou inconnus »
Journaliste Roméo Silvère Doubalet (RSD) :
Le monde célèbre le 1er novembre de chaque année la Toussaint. Quelle est la signification de cette fête et d’où tire-t-elle son origine ?
Abbé Xavier Arnauld Fagba (XAF) :
La fête de la Toussaint est une célébration religieuse d’origine chrétienne. Comme son nom l’indique, elle honore tous les saints, connus ou inconnus. L’Église reconnaît que de nombreux saints ont vécu dans la fidélité à Dieu sans avoir été officiellement canonisés. La Toussaint est donc l’occasion de rendre hommage à tous ces témoins du Christ. Sur le plan spirituel, elle nous invite à contempler la « foule immense » de témoins vivants et lumineux du Christ (Ap 7,9). Ces figures de foi sont des exemples à suivre, des modèles à imiter dans la sainteté. Cette fête rappelle également que tous les hommes sont appelés à la sainteté, chacun par un chemin propre, parfois inattendu, mais toujours possible. En célébrant la Toussaint, nous honorons ce que nous espérons devenir demain : des saints auprès de Dieu. Historiquement, la Toussaint est une fête ancienne, mais son évolution a été progressive. D’abord dédiée aux martyrs et célébrée après la Pentecôte, elle fut instituée par le pape Boniface IV en 610, le 13 mai. Un siècle plus tard, le pape Grégoire III fixa la date au 1er novembre, et le pape Grégoire IV l’imposa ensuite à toute l’Église. C’est ainsi que la fête prit un caractère universel, dépassant même le cadre strictement catholique.
« La Toussaint est une fête de victoire, le 2 novembre un jour d’espérance »
RSD :
D’aucuns confondent la Toussaint du 1er novembre et la commémoration des défunts du 2 novembre. Quelle différence faites-vous entre ces deux célébrations ?
XAF:
La confusion s’explique d’abord par leur proximité dans le calendrier, mais surtout par une méconnaissance du sens spirituel de chacune. Le 1er novembre, l’Église célèbre la victoire des saints, ceux et celles qui vivent désormais dans la gloire de Dieu. Le 2 novembre, elle prie pour les défunts, dans l’espérance de leur résurrection. En somme, la Toussaint est une fête de victoire, tandis que la commémoration du 2 novembre est une journée d’espérance. Deux célébrations différentes, mais intimement liées par le mystère de la communion des saints : l’union spirituelle entre les vivants, les morts et les bienheureux.
« Fleurir une tombe est un geste d’amour, non un acte syncrétique »
RSD :
Dans la pratique, les 1er et 2 novembre, les fidèles nettoient et fleurissent les tombes de leurs proches. Ces gestes sont-ils bibliques ou relèvent-ils du syncrétisme ?
XAF:
Une vérité de foi peut provenir de la Bible, de la Tradition ou du Magistère. Ce n’est donc pas parce qu’une pratique n’a pas de base biblique explicite qu’elle doit être rejetée. Toutefois, il y a confusion quand on se rend au cimetière dès le 1er novembre. Le jour consacré à la prière pour les défunts est bien le 2 novembre. Ce jour-là, les fleurs, les bougies, les messes et les prières ne sont pas des superstitions, mais des signes de foi et d’amour. Ces gestes expriment notre lien spirituel avec ceux qui nous ont quittés. Ils rappellent que la mort n’est pas une fin : le Christ est mort et ressuscité, et nous sommes appelés à vivre cette même espérance.
« La profanation des tombes traduit une perte du sens du sacré »
RSD :
La tombe était autrefois un lieu de mémoire et de respect. Aujourd’hui, on observe des profanations et des funérailles devenues des moments de distraction. Comment expliquez-vous cela ?
XAF:
L’anthropologie africaine, et centrafricaine en particulier, enseigne le respect des morts et la retenue dans les funérailles. Les tombes sont des symboles de présence et de mémoire, et les rites funéraires, des gestes d’amour et de reconnaissance. Mais nous assistons aujourd’hui à une dérive inquiétante : la perte du sens du sacré. Des comportements dépravants, parfois festifs ou irrespectueux, se multiplient. Ces attitudes ne sont pas d’origine centrafricaine : elles proviennent souvent d’influences étrangères et d’anti-valeurs importées. Il est urgent de revenir à nos valeurs culturelles et spirituelles. Certes, l’homme évolue par emprunts, mais il doit savoir discerner ce qu’il adopte. Nous ne devons pas importer ce qui détruit notre identité et notre respect du sacré. Les autorités, notamment le ministère de l’Intérieur, doivent encadrer ces dérives pour restaurer la dignité de nos traditions funéraires.
« Quand le 2 novembre tombe un dimanche, la messe reste celle des défunts »
RSD :
Vous êtes liturgiste et cérémoniaire national. Cette année, le 2 novembre tombe un dimanche. Quelle est la norme liturgique à suivre ?
XAF:
C’est une coïncidence rare, qui se produit environ tous les neuf ans. La dernière fois, c’était en 2014, et cela se reproduit en 2025. Selon les Principes Généraux du Missel Romain (PGMR, n°53 et 68), lorsque le 2 novembre tombe un dimanche, la messe célébrée est celle de la Commémoration de tous les fidèles défunts. Les textes, les prières et la couleur liturgique sont propres à cette célébration. On conserve le Gloria et le Credo, mais sans action de grâce, car cette messe a un caractère particulier : elle exprime la sobriété et la prière, non la fête.
Interview réalisée par le journaliste Roméo Silvère Doubalet (La Voix des Sans Voix)