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Dilexi te est une exhortation en continuité avec Dilexit nos du Pape François. Le Pape Léon XIV s’est approprié du projet de son prédécesseur tout en y ajoutant ses réflexions. L’on pourrait dire que Dilexi te est en bifurcation des écrits de François et Léon. C’est ici que ressort la beauté de la succession apostolique. Cette exhortation a été signée le 4 octobre 2025, en la mémoire de Saint François d’Assise, et présentée le 9 octobre 2025.
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Après une brève introduction exposant l’historique et l’objectif de cette publication, le premier chapitre plonge les lecteurs dans la profondeur de quelques paroles évangéliques où les pauvres tiennent le fauteuil d’honneur. Prenant le geste de la femme déversant l’huile sur la tête de Jésus (Mt 26, 8-9.11), Léon note que Jésus, en s’identifiant au pauvre, n’a pas été indifférent à tous les gestes d’amour dont il a été bénéficiaire pendant qu’il en avait besoin : « C’était un petit geste, certes, mais ceux qui souffrent savent combien même un petit geste d’affection peut être grand, et quel soulagement il peut apporter ».
Dans cet élan, Léon a évoqué la figure de Saint François ; « D’abord riche et arrogant, le jeune François renaît après avoir été confronté à la réalité de ceux qui sont exclus de la société. ». Cette même richesse, évoquée par le Concile Vatican II par le truchement de l’évangile du Bon samaritain, conduit l’Eglise et a inspiré son Prédécesseur à ne pas oublier les pauvres. D’où le besoin d’écouter le cri des pauvres. Devant les différentes formes de pauvreté, occasionnée par « l’accumulation de richesses et la réussite sociale à tout prix, y compris au détriment des autres et en profitant d’idéaux sociaux et de systèmes politico-économiques injustes », le Pape Léon préconise l’écoute de cri de ceux qui souffrent et de trouver de vraies solutions. Dieu ne reste pas insensible devant la misère qui frappe l’homme : « J’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer […]. Maintenant va, je t’envoie » (Ex 3, 7-8.10). Voilà pourquoi, en concluant ce premier chapitre, le Pape Léon avertit sur le danger des préjugés idéologiques et idéologies mondaines ou des orientations politiques et économiques qui condamnent les pauvres à subir les conséquences de leur propre incapacité alors que les structures ne cessent de favoriser la richesse des uns et d’appauvrir sans pitié les autres. L’évangile est placé comme remède à cette situation : « ll faut toujours relire l’Évangile pour ne pas risquer de le remplacer par la mentalité mondaine ».
Dieu Lui-même choisit les pauvres. C’est le titre du deuxième chapitre de l’exhortation. En se tournant vers la pauvreté de l’humanité, Dieu s’est incarné pour partager ses conditions en option préférentielle. « Il s’agit d’une pauvreté radicale, fondée sur sa mission de révéler le vrai visage de l’amour divin (cf. Jn 1, 18 ; 1 Jn 4, 9). » Le Pape précise que Jésus « se présente au monde non seulement comme le Messie pauvre, mais aussi comme le Messie des pauvres et pour les pauvres » en puisant dans toute la vie de Jésus plusieurs exemples scripturaires détaillant cette option de Jésus pour les pauvres. Cela a ouvert la méditation biblique sur la miséricorde envers les pauvres identifiés ici au prochain et à l’ennemi. Le Pape exige, à la lumière des écritures saintes avec l’exemple de la première communauté chrétienne, que cette miséricorde soit inventive et non théorique.
Evoquant l’expression de son prédécesseur au troisième jour de son pontificat « Ah, comme je voudrais une Église pauvre et pour les pauvres ! », le Pape Léon a souligné au troisième chapitre le désir d’une Eglise pour les pauvres. Ce désir conscient révèle que, faisant référence au 8e paragraphe de Lumen Gentium, l’Église « reconnaît l’image de son fondateur pauvre et souffrant, elle s’efforce de soulager leur misère et en eux c’est le Christ qu’elle veut servir ». Car la vraie richesse de l’Eglise c’est les pauvres. De la première communauté chrétienne, en passant par les pères de l’Eglise qui « Dès les premiers siècles, …ont reconnu dans les pauvres un moyen privilégié d’accéder à Dieu, une manière particulière de le rencontrer », jusqu’à l’exercice de charité contemplative et actives des moines, l’Eglise a toujours enseigné que « la rigueur doctrinale sans miséricorde est un discours vide ». L’attention aux malades et la liberté des captifs sont des signes palpables à l’endroit du Christ souffrant dans sa chair. Plusieurs témoins, entre autre les Ordres mendiants, ont été évoqués pour illustrer la pauvreté évangélique de l’Eglise.
En sus, le document a poursuivi des témoignages qui doivent susciter l’engagement de l’Eglise par la charité à l’endroit des pauvres. Il évoque l’éducation des pauvres qui leur permet la liberté par la connaissance, la réception de la dignité et le rapprochement à la vérité : «Pour l’Église, enseigner aux pauvres est un acte de justice et de foi. ». Un autre lieu de témoignage de charité est l’accompagnement des migrants où la figure de Sainte Françoise Cabrine soulignée. « L’Église a toujours reconnu dans les migrants une présence vivante du Seigneur qui, au jour du jugement, dira à ceux qui seront à sa droite : « J’étais étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35) ».
L’Eglise reste le lieu qui témoigne de la charité à l’endroit des personnes déplacées et des étrangers. « Le Pape François avait rappelé que la mission de l’Église envers les migrants et les réfugiés est encore plus large, insistant sur le fait que « la réponse au défi posé par les migrations contemporaines peut se résumer en quatre verbes : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer ». A la suite des migrants, mentionnant la figure de Thérèse de Calcutta, le pape Léon voit en elle une icône universelle de la charité vécue jusqu’à l'extrême en faveur des plus indigents, des exclus de la société. Sainte Dulce des Pauvres au Brésil et Saint Benoît Menni ont aussi beaucoup donné à l’Eglise pour les pauvres, a souligné le Saint Père. A côté des individus, certaines familles, des institutions ou des communautés religieuses, le Pape note qu’il y a eu, et il y a encore, des mouvements populaires variés, constitués de laïcs et guidés par des leaders populaires, souvent soupçonnés et même persécutés.
Pour manifester la tradition de l’Eglise sur son amour à l’endroit des pauvres, le Saint Père Léon expose au quatrième chapitre la continuité de l’histoire de la charité. Il démontre que les pauvres ont toujours prouvé d’ingéniosités que soutient la Doctrine sociale de l’Eglise. Car, dit-il, L’accélération des transformations technologiques et sociales de deux derniers siècles, qui abonde de contradictions tragiques, n’a pas seulement été subie mais aussi affrontée et pensée par les pauvres. D’où la nécessité de « l’interaction continue entre les baptisés et le Magistère, entre les citoyens et les experts, entre le peuple et les institutions ». Il a noté, à cet effet, tous les efforts du magistere de 150 dernières années depuis Léon XIII (Rerum novarum),en passant par Jean XXIII (Mater et Magistra), Vatican II, Paul VI (Populorum progressio), Jean-Paul II (Sollicitudo rei socialis ; Laborem exercens), Benoit XVI (Caritas in veritate) jusqu’au Pape François.
Poursuivant ce chapitre, Léon a repris deux thèmes spécifiques du magistère épiscopal latino-américain à Medellín, Puebla, Saint-Domingue et Aparecida qu’il considère comme constituant également des étapes importantes pour l’Église tout entière. Il s’agit des structures du péché et des inégalités extrêmes. Face aux inégalités décrites et dénoncées, le magistère stipule : « La conversion spirituelle, l’intensité de l’amour de Dieu et du prochain, le zèle pour la justice et pour la paix, le sens évangélique des pauvres et de la pauvreté, sont requis de tous, et tout spécialement des pasteurs et des responsables. Le souci de la pureté de la foi ne va pas sans le souci d’apporter, par une vie théologale intégrale, la réponse d’un témoignage efficace de service du prochain, et tout particulièrement du pauvre et de l’opprimé ». Les pauvres doivent être considérés comme des sujets qui doivent être écoutés dans l’élan de l’attention à l’autre.
Au dernier chapitre, le cinquième, le Souverain Pontife souligne le défi permanent. C’est le souci bilinéaire de l’Eglise dans une tradition ininterrompue de défendre les pauvres. C’est dans le corps du Christ que l’Eglise puise toute la force à cet urgent exercice. Le Pape Léon note : « L’amour des pauvres est un élément essentiel de l’histoire de Dieu avec nous et, du cœur même de l’Église, il jaillit comme un appel continu aux cœurs des croyants, aussi bien des communautés que des fidèles individuels». En tant que Corps du Christ, l’Église ressent comme sa “chair” propre la vie des pauvres, lesquels sont une partie privilégiée du peuple en marche. Voilà pourquoi, « Le chrétien ne peut pas considérer les pauvres seulement comme un problème social : ils sont une “question de famille” ; ils sont “des nôtres” ». Faisant référence à son prédécesseur dans Fratelli tutti, Léon rappelle qu’Il faut de nouveaux bons samaritains pour accompagner, assister et soutienir les plus fragiles et les plus faibles de nos sociétés développées. C’est un défit incontournable pour l’Eglise d’aujourd’hui, lance le Pape : « Le cœur de l’Église, de par sa nature même, est solidaire avec ceux qui sont pauvres, exclus et marginalisés, ceux qui sont considérés comme des “rebuts” de la société ». Léon met en garde la tentation de dissocier spiritualité et situations sociales. C’est pourquoi l’aumône doit prendre place dans le cœur de l’Eglise et de chaque fidèle.
Cette exhortation se conclut par ce beau pargraphe, le 121e : Que ce soit par votre travail, votre lutte pour changer les structures sociales injustes, ou encore par ce geste d’aide simple, très personnel et proche, il sera possible pour ce pauvre de sentir que les paroles de Jésus s’adressent à lui : « Je t’ai aimé » (Ap 3, 9)
Abbé Jean-Marie KONDE, Prêtre de l'Archidiocèse de Kinshasa en mission Fidei donum dans l'Archidiocèse de Bangui
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